La probabilité de la foi

Published 27 February 2009
The Bright Sun Blue Sky Clouds

Published in The Times, 27th February 2009

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Nous devons beaucoup à l’Association humanitaire britannique pour sa publicité sur les autobus: “Il n’y a probablement pas de D.ieu”. Cela nous invite à réfléchir, car elle nous permet non seulement de se questionner sur D.ieu, mais également sur la probabilité.

L’une des découvertes de la science moderne est l’improbabilité de l’univers. Il est façonné à l’aide de six forces fondamentales, et si ces forces avaient varié en nombre, l’univers se serait élargi ou aurait implosé de telle sorte que les étoiles n’auraient pas pu être créées. À moins que nous partions du principe qu’il existe un million ou un milliard d’autres univers (ce qui est en soi un acte de foi), le simple fait qu’il y ait un univers est hautement improbable.

Cette observation s’applique aussi à la présence de vie. Parmi les centaines de milliards de galaxies, chacune contenant des milliards d’étoiles, il n’y a qu’une planète que l’on connaît, la Terre, qui semble propice à la présence de vie. Et par quelles étapes est passée l’absence de vie pour se transformer en présence de vie ?

C’est un puzzle tellement improbable que Francis Crick fut contraint d’affirmer que la vie était née ailleurs, peut-être sur Mars, et qu’elle arriva ici par météorite, rendant le mystère encore plus insondable.

Comment la vie est-elle devenue consciente ? Et comment la conscience s’est-elle transformée en conscience de soi, ce don étrange qui a seulement été donné aux Homo sapiens? Stephen J. Gould conclut en disant qu’il y a tellement d’improbabilités que, si le processus de l’évolution redémarrait depuis le début, il est probable que les Homo sapiens n’auraient jamais existé.

Vous n’avez pas à être religieux pour vous émerveiller devant l’improbabilité absolue des choses. Il y a quelques semaines, James Le Fanu a publié un livre Why Us? Il affirme que nous sommes sur le point de subir un changement de paradigme dans la compréhension scientifique. Les complexités du génome, l’émergence des premières formes de vie moléculaires, les origines des Homo sapiens et notre cerveau extrêmement élargi : tous ces éléments sont trop subtils pour être expliqués par la science darwinienne si réductrice et matérialiste. 

Une semaine plus tard, Michael Brooks a publié “13 choses qui ne font pas de sens” (13 Things That Don’t Make Sense), la plus importante étant le libre arbitre de l’homme. Plus nous étudions la science, plus nous comprenons à quel point nous ne comprenons pas grand chose. L’invraisemblable ne cesse de croître, et avec lui notre émerveillement. Cela ne concerne que la science. Qu’en est-il de l’histoire ?

Quelle est la probabilité qu’un seul homme qui n’ait accompli aucun miracle et n’ait aucun pouvoir, Avraham, deviendrait le personnage le plus influent à n’avoir jamais existé, avec plus de six milliards de personnes aujourd’hui qui sont ses descendants ?

Quelle est la probabilité qu’un peuple minuscule, les enfants d’Israël, les juifs, qui ne forment que moins d’un cinquième de pourcent de la population mondiale, enterrerait chaque empire qui chercherait à le détruire ? Ou encore que cette petite secte, les chrétiens, deviendrait un jour le plus grand mouvement au monde de son genre ?

Quelle est la probabilité que l’esclavage serait aboli, que les tyrannies seraient déchues, que l’Apartheid se terminerait et qu’un afro-américain serait élu à la présidence américaine ? Toute chose intéressante dans la vie, l’univers et tout le reste, est improbable, comme Nicholas Taleb nous le rappelle dans The Black Swan (Le cygne noir), avec pour sous-titre ‘The Impact of the Highly Improbable’ (L’impact du hautement improbable). Le titre du livre s’inspire de ceux qui furent convaincus que les cygnes noirs n’existaient pas, jusqu’à ce que quelqu’un découvre l’Australie. 

Une improbabilité intéressante est que l’homme qui a inventé la théorie des probabilités, un jeune mathématicien brillant appelé Blaise Pascal, a décidé à l’âge de trente ans de renoncer aux mathématiques et aux sciences et de consacrer le restant de sa vie à explorer la foi religieuse.

La foi est la défaite de la probabilité devant le pouvoir de la possibilité. Les prophètes ont rêvé de l’improbable et ont ainsi réussi à ce que leurs rêves deviennent réalité. Tous les grands accomplissements en art et en science, ainsi que la naissance de la vie de l’esprit, ont vu le jour grâce aux individus qui ont ignoré les probabilités et qui avaient foi en ce qui était possible.

La publicité du bus a besoin d’une petite modification. Au lieu de dire, “Il n’y a probablement pas de D.ieu”, on devrait y lire : “De façon improbable, il y a un D.ieu.”