Une vie qui vaut la peine d’être vécue

Published 5 January 2013
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Published in The Times, 5th January 2013

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J’ai passé beaucoup de temps avec les jeunes, des élèves qui s’apprêtaient à quitter l’école, des étudiants à l’université et des fraîchement diplômés qui s’apprêtaient à démarrer la vie active. Ils me demandent souvent conseil alors qu’ils commencent leur nouvelle vie. Voici quelques idées qui valent la peine d’être discutées alors que nous commençons la nouvelle année grégorienne.

La première idée est celle de rêver. L’activité qui semble la moins pratique s’avère l’être le plus, et qui est la plupart du temps mise de côté. Je connais des gens qui passent des mois à planifier un anniversaire, mais très peu de temps à planifier une vie. Imaginez-vous partir en voyage sans savoir où vous allez. Peu importe à quelle vitesse vous voyagez, vous n’atteindrez jamais votre destination car vous n’avez jamais décidé où vous voulez aller. En fait, plus vous voyagez vite et plus vous serez perdu. 

Les rêves sont un moyen d’explorer les nombreux paysages et endroits de la possibilité humaine et découvrir l’endroit où on se sent le plus chez soi. Les grands dirigeants religieux étaient tous idéalistes et rêveurs.

Dans ma propre tradition, il y a Moïse qui a rêvé d’une terre de lait et de miel, et Isaïe qui a rêvé d’un monde en paix. L’un des grands discours du vingtième siècle était “J’ai un rêve” de Martin Luther King. Si je devais concevoir une formation en bonheur, le rêve serait l’un des modules obligatoires.

La deuxième idée est de suivre sa passion. ll n’y a rien qui justifie de passer une vie à faire quelque chose que vous n’aimez pas, pas même la richesse, le succès, les éloges ou la célébrité. J’ai vu trop de gens suivre des carrières avec l’objectif de gagner plus d’argent pour pouvoir offrir à leur conjoint et enfants tout ce qu’ils voulaient. Au final, ils ont perdu leurs conjoints et se sont éloignés de leurs enfants car ils n’avaient jamais de temps à leur consacrer. Les gens qui suivent leur passion ont tendance à avoir des vies bénies. Heureux dans ce qu’ils font, ils ont tendance à diffuser le bonheur autour d’eux. C’est une vie qui vaut la peine d’être vécue.

La troisième idée, je l’ai apprise du psychothérapeute qui a survécu à Auschwitz, Viktor Frankl, dont le livre Man’s Search for Meaning est l’un des livres les plus lus de notre époque. Frankl avait l’habitude de dire : “Ne demandez pas ce que vous attendez de la vie. Demandez ce que la vie attend de vous.” Les vies bien vécues sont celles où les gens ont entendu un appel, et ont eu une vocation qu’ils ont suivie. C’est ce qui a motivé Avraham, le grand-père du monothéisme, à se lancer dans son périple, et cela a finalement changé le monde. Moïse aurait peut-être vécu une vie facile en tant que prince d’Égypte, mais il a entendu les plaintes de son peuple alors qu’il était esclave, et l’appel de D.ieu de les mener à la liberté.

Il existe une histoire connue qui relate que trois hommes ont passé leurs vies à transporter des pierres. Lorsqu’on demanda au premier ce qu’il faisait, il répondit : “casser des pierres”. Le second dit : “gagner ma vie”. Le troisième s’exclama : “construire une cathédrale”. Nous n’avons pas besoin de nous demander lequel des trois avait le plus de satisfaction dans son travail. Steve Jobs a passé sa vie à rendre la technologie accessible aux gens. Les fondateurs de Google ont cherché à faire en sorte que le monde de l’information soit disponible à tous. Un sens du “pourquoi” précède le “comment”. Nous devons nous trouver au point de rencontre entre ce que nous voulons et ce qui doit être accompli.

La quatrième idée est la suivante : créez de l’espace dans votre vie pour les choses qui sont importantes, pour la famille, les amis, l’amour et la générosité, le plaisir et la joie. Sans cela, vous connaîtrez un syndrome d’épuisement professionnel au milieu de votre carrière en vous demandant où est passée votre vie. Dans le judaïsme, nous avons le Chabbath, un jour par semaine consacré au repos, ou nous créons un espace pour toutes les choses qui sont importantes mais pas urgentes. Ce n’est pas toutes les cultures qui ont un Chabbath, mais une vie sans moments consacrés à se régénérer, comme une vie sans exercice, sans musique ou sans aucun sens de l’humour, est une vie moins bonne.

La cinquième idée est de travailler dur, de la même manière qu’un athlète, un pianiste ou un scientifique de renommée travaillent dur. Le psychologue américain Mihaly Csikszentmihalyi qualifie ce principe de “flux (flow en anglais)”. Il explique ce phénomène par l’expérience que vous vivez lorsque vous travaillez tellement dur dans l’accomplissement d’une tâche que vous ne voyez pas le temps passer. Aucune personne qui a bien réussi, même celle qui prétend que c’était facile, ne réussit jamais sans travailler intensivement. Le mot juif pour servir D.ieu, avoda, signifie également travailler dur.

Il existe plusieurs autres idées, mais celles-ci sont parmi les plus importantes. Essayez-les et vous serez surpris de la joie qu’elles vous apporteront.