Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

Chers lords, je remercie le noble lord, Lord Risby, d’avoir initié ce débat important. Et je déclare d’emblée mes intérêts. Je suis juif. Israël représente pour moi le lieu où mes ancêtres sont nés il y a plus de 4000 ans, l’endroit vers lequel Avraham et Sarah ont voyagé, où Amos a exprimé sa vision de justice sociale et où Isaïe a rêvé d’un monde en paix, où David a composé les psaumes et où Salomon a construit le Temple ; et cela a eu des conséquences non seulement pour les juifs, mais également pour les chrétiens et les musulmans, qui ont déclaré Avraham comme étant l’ancêtre de leur foi, et ont adopté son D.ieu.

Cela a eu des répercussions tragiques tout au long du Moyen Âge, car les chrétiens et les musulmans ont tous deux affirmé à leur manière avoir remplacé les juifs comme le peuple de D.ieu, et donc en tant qu’héritiers de la Terre promise. Augustin, un saint par ailleurs, a déclaré que les juifs étaient maudits comme Caïn, destinés à être d’éternels vagabonds sur terre, sans foyer. L’islam indiquait que toute terre passée sous domination musulmane était dorénavant et pour toujours Dar al-Islam, c’est-à-dire une terre qui appartient à la Oumma, au peuple musulman, et rendant toute autre règle illégitime. Selon ces deux théologies, les juifs n’avaient aucun droit à leur terre ancestrale.

Il y a un demi-siècle, ces théologies auraient été considérées désuètes. L’Occident était passé à autre chose. Après un siècle de guerres de religion à la suite de la Réforme, il a reconnu la nécessité de séculariser le pouvoir. Cela a permis aux Nations unies, lors du vote de partition de 1947, d’accorder aux juifs le droit d’avoir un État-nation après 2000 ans d’exil et de persécutions. Il y a eu finalement des accords de paix avec l’Égypte et la Jordanie, ainsi qu’un processus de paix intense avec les palestiniens. Lorsque le pouvoir est sécularisé, la paix est possible. Cependant, aujourd’hui, le Moyen-Orient ainsi que certaines régions d’Asie et d’Afrique connaissent un changement diamétralement opposé. Les gens se délaïcisent. Ils se sentent trahis par les gouvernements nationalistes séculiers qui ont échoué à apporter prospérité et fierté nationale. Ils considèrent les frontières nationales décrétées par les puissances colonisatrices comme artificielles et désuètes. Ils ne se sentent pas inspirés par la culture laïque occidentale avec ses choix maximisés et son sens minimisé. Et ils en sont venus à penser que le salut repose sur un retour de l’islam qui domina un monde étroit comme un colosse pendant pratiquement un millénaire.

Bien que leur religion soit hostile envers la modernité, ils comprennent parfois mieux la modernité que ses propres créateurs occidentaux. Ils savent cela parce qu’internet, YouTube et les réseaux sociaux, la communication, et la politique elle-même se sont mondialisés et ils savent également que les grands monothéismes sont les communautés les plus puissantes au monde, avec une portée beaucoup plus large et plus profonde que n’importe quel État-nation. Et les radicaux religieux offrent aux jeunes gens la chance de combattre et de mourir pour leur religion, gagnant la gloire sur terre et l’immortalité au ciel. Ils ont commencé à recruter en Occident, et ils ne font que commencer.

Mais lorsque d’anciennes théologies sont employées à des fins politiques modernes, elles parlent une langue très dangereuse. Ainsi, par exemple, le Hamas et le Hezbollah, tous deux définis en tant que mouvements religieux, refusent de reconnaître la légitimité de l’État d’Israël, quelles que soient ses frontières, et ne visent que son anéantissement complet.

Les islamistes savent pertinemment que la seule manière de gagner la sympathie de l’Occident est de diaboliser Israël. Ils savent que vous ne pouvez pas soutenir l’État islamique, Boko Haram ou le Jihad Islamique, mais si vous pouvez blâmer Israël, vous gagnerez le soutien des universitaires, des syndicats et des médias et vous détournerez l’attention des massacres en Syrie et en Irak, la chute lente des autres pays dans le chaos et le nettoyage ethnique des chrétiens à travers la région.

Ils reproduisent donc la même erreur des régimes auxquels ils s’opposent qui, pendant cinquante ans, ont réprimé les dissensions internes en diabolisant Israël comme la cause de tous les maux du monde arabo-islamique. Lorsque vous blâmez les autres pour vos échecs, non seulement vous leur causez du tort, mais vous faites également du mal à vous-même et à votre peuple. Pour être libre, vous devez vous départir de la haine. Et si vous laissez des paroles haineuses infecter l’Occident, tels que cela s’est déjà produit dans certains de nos campus, prisons et même écoles, notre liberté sera en danger. 

Chers lords, la grande majorité de la communauté juive et moi-même nous soucions énormément de l’avenir des palestiniens. Nous souhaitons que les enfants palestiniens, pas moins que les enfants israéliens, aient un avenir de paix, de prospérité, de liberté et d’espoir. Et c’est la raison pour laquelle nous nous opposons à ceux qui enseignent aux enfants palestiniens la haine envers ceux avec qui ils doivent cohabiter, qui détournent l’argent des aides humanitaires et l’utilisent pour acquérir des armes, creuser des tunnels et ramener la région à l’âge sombre de la barbarie.

Plus globalement, nous disons au nom du D.ieu d’Avraham, le tout-puissant, le D.ieu misécordieux et compatissant, que la religion au nom de laquelle des atrocités sont commises, des innocents assassinés et décapités, des enfants réduits en esclavage, des civils utilisés en tant que boucliers humains, et des jeunes en kamikaze, n’est pas l’islam qui naguère remporta l’admiration du monde, pas plus que son D.ieu n’est le D.ieu d’Avraham. Ce fut Nietzsche et non pas les prophètes qui vénéra la volonté du pouvoir. Ce fut Machiavel et non pas les textes saints qui enseigna qu’il est préférable d’être craint que d’être aimé.

Chaque religion doit gérer ses anges maléfiques, et cela vaut pour nous tous aujourd’hui : les juifs, les chrétiens et les musulmans. Car nous sommes tous les enfants d’Avraham, et c’est uniquement lorsque nous ferons de la place les uns envers les autres en tant que frères et sœurs que nous extirperons les ténèbres du monde et marcherons ensemble dans la lumière divine.